Un regard qui pouvait tuer, les sourcils froncés sur son beau visage de princesse, une moue collée à ses lèvres rosées et un soupire d'exaspération, Nelhà n'était franchement pas heureuse. Tout se passait pourtant très bien quelques secondes auparavant, elle était tranquillement assise sur le tapis du salon de la famille Rosebury-Ells, en train de s'amuser avec sa belle poupée qu'elle venait de recevoir pour Noël, poupée pour qui elle donnerait sa vie tellement elle l'avait voulu de toutes ses forces et qu'elle l'aimait ardemment. Elle avait longtemps attendu de l'avoir, et maintenant qu'elle l'avait enfin entre les mains, elle pouvait coiffer ses beaux cheveux blonds, elle pouvait lui changer ses habits autant de fois qu'elle le voulait, elle pouvait créer mille et une histoire avec elle. Elle avait d'ailleurs pratiquement pleurée lorsqu'elle avait ouvert le papier cadeau qui l'a renfermé et qu'elle avait tenu pour la première fois sa poupée dans ses mains, tel le graal : oui, Nelhà pouvait être un peu extrême et dramatique quelques fois. Sauf qu'avoir une overdose de bonheur grâce à un objet, ça pouvait aller, mais pas lorsque l'on avait un grand-frère : Non, tout ce que cela lui donnait envie est de vous prendre cet objet, de vous le cacher, juste pour vous énerver. Et c'était exactement ce que Timéo, son ainé de trois ans, venait de faire. Il avait osé poser ses doigts sur son jouet, l'arrachant de ses mains avec la douceur d'un homme préhistorique, et le pire, c'est qu'il avait un sourire qui lui remontait de par et d'autres de ses oreilles ! Alors non, Nelhà n'était pas dans son meilleur état. « Timéo ... » commença-t-elle gravement, de sa voix menaçante. « Tu vas me rendre ma poupée tout de suite. » Elle mettait du sien pour ne pas s'énerver de suite, car elle savait que dans la plupart des cas, ça ne servait pas toujours. Il valait mieux commencer par lui demander calmement, et après lui faire comprendre qu'il aurait dû lui rendre de suite s'il ne voulait pas avoir de dommage sur son corps. Seulement, sans se détacher de son sourire et secouant la poupée dans ses mains, Timéo la nargua. « Attrape-là si tu l'a veux Teddy ! » Et le voilà qu'il commençait à courir dans toute la maison, Nelhà à ses trousses, sautant sur le canapé, faisant tomber des poufs sur le passage pour bloquer l'autre et le ralentir, se disputant comme les deux enfants qu'ils étaient. Nelhà adorait son frère, plus que tout, là n'était pas le problème, mais elle l'adorait beaucoup plus lorsqu'il ne touchait pas à ses précieuses affaires.

Toute la famille était assise dans la salle à manger, comme tous les midis. Ils mangeaient toujours ensemble, comme la plupart des familles, dans une ambiance assez conviviale où ils pouvaient parler de tout et de rien. Et aujourd'hui d'ailleurs, Timéo venait de leur annoncer qu'il avait une nouvelle à leur dire, quelque chose à leur avouer, qui paraissait assez important pour lui. Nelhà ainsi que ses parents sourirent, comme pour lui dire qu'il pouvait avoir confiance en eux, qu'il n'avait pas à avoir peur de leur dire quoi que ce soit. Dans la tête de la belle brune se faisait et se défaisait des milliers de scénarios improbables ou rocambolesques, s'imaginant ce qu'il pouvait avoir à leur annoncer de si formel devant toute la famille. Et puis, comme ça, il lâcha sa bombe. « Voilà, eum.. Je suis.. Je suis gay et j'ai un copain.. Depuis huit mois et on.. » Son sourire s'élargit encore plus, si cela était possible. Enfin, jusqu'à ce que les cris de son père retentisse dans la demeure et brise le silence qui suivait cette annonce. Cela lui demanda tout son contrôle et toute sa concentration pour entendre toutes les horreurs que son père pouvait sortir en deux minutes sans rien dire ou sans se laisser aller à ses envies de tout casser. Comment pouvait-on ne serait-ce que dire des choses comme cela ? A son propre fils ? Tout ça car il était homosexuel, tout ça car il aimait les hommes et qu'il était heureux comme ça. Cela mettait Nelhà dans une rage intérieure incroyable qu'il lui fut serré les poings sous la table pour ne rien laisser montrer. Elle se demandait même comment elle pouvait être aussi tolérante quand on voyait aujourd'hui à quel point ses parents pouvaient eux être homophobe. Et puis Timéo sortit de la salle à manger d'un coup, ce qu'on pouvait facilement comprendre quand votre propre-père vous traître de monstre et d'anormal, quand vous savez qu'à cause de votre orientation sexuelle vous faites honte à vos parents. Elle regarda ses parents longuement alors que son père continuait à marmonner dans sa barbe, même si Timéo n'était plus dans la pièce. La jeune fille de quinze ans secoua sa tête et sortit à son tour, se dirigeant vers la chambre de son frère. Sans même frapper, elle savait très bien qu'elle était toujours la bienvenue dans l'antre de son frère, et aujourd'hui plus que jamais. Ouvrant la porte, elle tomba nez à nez avec son grand-frère, des larmes dévalant ses joues alors qu'il préparait son sac. Et ça lui brisait le coeur de le voir comme ça, ça lui serrait la poitrine et ça lui donnait même grandement envie de pleurer à son tour. Mais elle n'allait pas se laisser aller, elle devait être forte pour lui. Elle voulait tellement le voir toujours heureux, toujours souriant, que de le voir comme ça pleurer, surtout à cause de l'intolérance de leurs parents, c'était horrible. Elle aurait voulu claquer des doigts et comme une magicienne faire disparaître sa douleur afin qu'il ne soit plus jamais mal, éponger ses larmes pour qu'il n'ait plus jamais envie de pleurer, arriver à le faire rire même dans les plus pires moments de sa vie comme celui-ci. Sauf que c'était trop important pour qu'elle se mette à faire des blagues débiles qui ne feraient rire qu'elle. Il lui lança un regard désolé et son noeud dans la gorge se serra. Elle n'avait pas envie qu'il parte, elle n'avait pas envie qu'il la quitte. Elle n'avait que quinze ans, elle ne pouvait partir avec lui alors que Timéo était maintenant majeur. Elle était coincée ici, même si elle serait prête à tout quitter juste pour ne pas laisser son frère partir seul. Elle ne pouvait pas vivre sans lui, il était comme son jumeau, son meilleur ami, ils étaient tous les deux inséparables, et elle n'allait vraiment pas bien se sentir si elle devait vivre pendant au moins trois ans sans lui. « Viens ici Titi. » Elle le prit dans ses bras et le sera très fort contre elle, caressant doucement sa nuque afin d'essayer de l'apaiser. Elle n'avait qu'une envie, de le prendre avec elle, de l'attacher avec de la corde et de le cacher dans sa chambre pour ne pas qu'il puisse partir, et pour que ses parents ne puissent pas le dégager. Mais c'était impossible, une fois de plus. « T'as intérêt à répondre au moindre de mes sms et à prendre chacun de mes appels quoi que tu fasses. Et on va se revoir très très vite parce que je n'vais pas pouvoir vivre sans voir ta tête de beau-goss longtemps moi. » Elle ne voulait pas quitter cette étreinte, mais il le fallait bien. Et le plus dur fut de le voir partir après toutes les déclarations d'amour fraternel qu'elle venait de lui faire.

Elle avait dix-huit ans, enfin. Elle avait attendu ça depuis trois ans. Elle avait enfin atteint la majorité et elle pouvait donc enfin se barrer de chez elle. Ce n'était pas que la vie était très mal ici, une belle maison, des parents à son besoin, seulement, depuis l'histoire du coming-out de Timéo, elle ne les voyait plus du tout de la même manière. C'est surtout qu'elle était en colère contre eux, colère qui n'a pas su diminuer depuis les années. Elle n'arrivait pas à comprendre comment ils avaient bien pu faire pour ne pas lui courir derrière, pour ne pas arrêter ce massacre tout de suite. Mais non, même en voyant leur fils partir par la porte de la maison, ils ne l'avaient pas arrêtés, ils ne s'étaient pas excusés de tout ce qu'ils avaient pu dire, ils étaient juste restés lâches et intolérants alors que Timéo avait besoin d'eux. Mais c'était maintenant fini tout ça : ils ne voulaient plus de fils qui leur fasse honte ? Très bien, ils n'auraient plus de fille non plus. Son frère et elle n'avaient pas coupés le contact à son départ, et c'était bien normal au vu de leur relation proche et complice, et ils avaient prévu ça depuis un long moment : dès que Nelhà serait en mesure de partir elle aussi de la maison, ils allaient déménager, tous les deux. Pas dans une autre ville où leurs parents pourraient les retrouver en deux heures si jamais ils le voulaient non : ils allaient partir à Montréal. Histoire de tout recommencer, histoire de prendre un nouveau départ. Ils allaient prendre un petit appartement assez grand pour eux deux, histoire que chacun puisse avoir son intimité également et ils allaient repartir du bon pied. Ici personne ne sera-là pour les rabaisser, il n'y aura plus de parents, et il fallait avouer que c'était le rêve. Il fallait surtout que Nelhà se renseigne pour un boulot sympathique, qui paie et intéressant, qu'elle puisse également combiné avec ses études en langues qu'elle ne souhaitait pas arrêter. Évidement, cela allait être dur au départ, les fins de mois tant qu'aucun qu'elle n'aura pas trouvé de boulot allaient être difficile, mais ils s'y feraient. Il fallait seulement quelques mois et ils allaient commencer par prendre l'habitude de tout ça, par avoir une petite routine s'installant, et tout allait devenir mieux. Ils allaient être heureux, tous les deux.

Cela faisait déjà plus de deux heures que tu étais en planque, dans ta petite voiture, à t'emmerder. Ta magnifique perruque de cheveux argenté était coincée dans ton bonnet, laissant dépasser quelques mèches qui encadraient ton visage, et tu te frottais les mains afin de te les réchauffer, n'ayant pas le chauffage dans la voiture. Tu devrais peut-être d'ailleurs penser à changer de modèle lorsque tu aurais plus d'argents, histoire que tu aies moins froid lorsque tu dois espionner quelqu'un en plein hiver. Arrivée à Montréal, tu avais rencontré en vrai le garçon avec qui tu parlais sur internet depuis trois ans, et votre relation avait prit un nouveau tournant maintenant que tout était beaucoup plus réel et beaucoup moins virtuel. Pas dans le sens amoureux, à ton grand désarrois depuis que tu avais commencée à ressentir des choses pour l'homme, mais vous étiez évidemment beaucoup plus complices maintenant que vous pouviez vraiment vous voir lorsque vous le vouliez. De toute manière, tu savais qu'au fond de toi, il fallait que tu arrêtes ces sentiments de grandir. Qu'ils arrêtent à ce stade ou mieux, qu'ils meurent rapidement. Vous deux n'avaient aucun avenir. Il était avec sa petite amie depuis quelques mois, et même si cela te tuais, tu ne disais rien. Tu lui souriais, tu l'aidais dès que quelque chose le tracassait dans sa relation où qu'il avait des questions par rapport aux femmes, même si tu n'avais jamais vraiment été dans une vraie relation avant. Tu l'aidais à trouver un cadeau qui pouvait plaire à sa copine, l'aidais même à lui préparer des surprises pour elle, et cela même si ça te faisais mal. Il avait l'air d'être heureux avec elle, alors c'était le principal, et puis tu n'étais certainement pas une briseuse de ménage. Mais là, tout était différent. Tu avais rapidement trouvé un petit travail au cabinet de détective privé à quelques pas de ton appartement, et tu t'y plaisais d'ailleurs très bien. Certes, le boulot ne coulait pas à flot et ne payait pas toujours très bien, mais ça t'intéressait et tu étais vraiment passionnée. Passer sa journée à fouiner et à prendre des photos, c'était un peu le rêve. Certaines personnes de ton université étaient d'ailleurs au courant de ton travail, étant donné qu'ils avaient déjà eu besoin de toi pour quelques affaires, mais heureusement tu restais encore inconnue dans le milieu, ce qui valait mieux. Et il y a quelques jours, il était venu te voir, soupçonnant sa copine de le tromper. Il avait l'air tellement mal que tu ne t'étais même pas sentie de te réjouir de ce changement de situation. Peut-être même que ce n'était qu'une fausse impression et qu'elle ne faisait rien de mal. Oui, il fallait absolument que tu fasses disparaître cette petite boule d'espoir qui s'était logé dans ton ventre tant que tu n'étais sûre de rien. Alors tu étais là, après que tu aies fait des recherches sur son emploi de temps et que tu l'aies pistée pendant quelques jours. Tu savais qu'il se sentait mal de faire ça, il n'étais pas du genre à avoir si peu confiance en les gens, mais il savait que tu en faisais ton métier et que tu étais plutôt douée, alors pourquoi pas ? Tu te tenais d'ailleurs devant un hôtel, chantonnant légèrement pour ne pas mourir d'ennui, attendant qu'il se passe enfin quelque chose. Qu'elle sorte a moitié nue dans la rue, que tu puisses les voir ensemble en pleine action pour pouvoir avoir une preuve, quelque chose. Ils n'allaient quand même pas rester à l'intérieur toute la nuit ... Si ? Tu espérais bien que non, tu avais cours le lendemain matin et déjà qu'il était tard, tu serais surement à l'université crevée. Et puis, enfin. C'était comme si dieu venait de t'entendre te plaindre et qu'il avait voulu t'aider. La porte de l'hôtel s'ouvrir et laissait entrevoir une blonde avec un autre mec, plutôt bien foutu il fallait l'avouer. Et tu savais que c'était elle. Il n'y avait aucun doute avec la photo qu'il t'avait passé. Tu prends quelques photos en rafale alors qu'ils marchaient légèrement tous les deux jusqu'à une voiture noire non loin de toi, et bam, the baiser. Comme dans les films cucu à l'eau de rose, le baiser qui pouvait durer des heures sans que personne ne ressente le besoin de respirer, le baiser qui venait de signer la fin de sa relation avec son copain. Et photo du baiser qu'il n'allait vraiment pas apprécier.

« Pourquoi t'es toute seule ? » Tes yeux grossissaient légèrement de choque, alors que tu n'avais vraiment pas vu venir cette question. Tu détournais ton regard, fixant résolument l'écran de ta télévision, le film qui passait à ce moment-là devenant subitement très intéressant pendant que tu croisais les bras, serrer contre ta poitrine. Et voilà, tu t'étais renfermée en moins d'une seconde. C'était d'ailleurs bizarre chez toi, tu étais toujours de nature sociable et souriante, mais ça pouvait faire peur parfois à quel point tu pouvais devenir froide et te renfermer sur toi-même. Et même lorsque tu essayais de ne pas le laisser paraître, essayant de continuer à sourire, tout le monde pouvait le voir. Ce n'était pas vraiment sa faute, mais tu n'aimais vraiment pas lorsque les gens essayaient de comprendre pourquoi tu restais seule. Évidement, tu avais eu quelques histoires bateau, rien de très sérieux ou intéressant, mais tu n'aimais pas qu'on parle de tes amours. Surtout lorsque c'était des gens en couple. Ils donnaient toujours l'impression qu'ils étaient bien mieux que toi dans leur vie, et qu'ils te regardaient avec des yeux de pitiés et de compassion, comme si l'amour était la chose la plus importante au monde et que le fait que tu ne l'ais pas encore trouvé était quelque chose de grave et de malheureux. Ils ne comprenaient pas que tu ne ressentais pas la chose de la même façon, que tu pouvais très bien te débrouiller seule et sans mec dans ta vie : la seule que tu avais vraiment besoin était l'amour de ton frère qui était bien différent, mais bien plus solide. D'autres pensaient d'ailleurs que tu ne pouvais pas ressentir de l'amour pour quelqu'un, ce qui malheureusement était faux. T'étais amoureuse. Tu le sentais, tu le savais. Et t'étais amoureuse de lui, ni plus ni moins. Au fond c'était évident, c'était la suite logique des sentiments qui avaient pointé le bout de leur nez il y a des mois déjà. Et c'était compréhensible que tu ne veuilles en aucun cas parler de cela avec lui. Tout simplement car tu rêvais de pouvoir être avec lui, tu rêvais qu'il puisse te retourner tes sentiments, mais c'était impossible n'est-ce pas ? Tu étais arrivée à te convaincre que tu n'étais pas faite pour lui et qu'il ne t'aimerait jamais. Et ce n'était pourtant pas dans tes habitudes de t'abattre comme ça, amour ou pas. Tu étais plutôt dans le genre battante, à ne pas te laisser misérable pour un rien. Sauf avec lui apparemment. « T'es plutôt jolie. » C'était quoi au juste cela ? Il essayait de te mettre mal à l'aise, c'était seulement un compliment amical ou peut-être plus ? Tu sous-entendais un peu « t'es toute seule pourtant t'es jolie, ça doit surement être à cause de ton caractère de merde » donc dans ton esprit, ce n'était si gentil que ça. Mais c'était surement car tu devais être bizarre, à ne jamais accepter un compliment comme il était. Peut-être à cause du « plutôt » qui ne rendait pas le tout si gentil que ça. Ou peut-être que tu psychotais trop dans ton cerveau comme tu avais l'habitude de le faire jusqu'à te saouler toi-même. On t'avait souvent fait des compliments sur ton apparence physique générale. Une longue chevelure brune, de beaux yeux bleu-vert rien que cela était plutôt pas mal d'après ce que pouvait dire les mecs. Tu sais que d'autres comme toi en aurait profité, utiliser son apparence pour graver les échelons dans divers domaines, mais ce n'était pas ton genre. T'étais plutôt du genre sincère et travailleuse, à ne pas profiter de choses qui pourraient très bien devenir éphémères où tout simplement ne pas t'aider. Ne voulant pas continuer dans la voie vers laquelle il s'aventurait, tu t'exclamais après un petit moment. « Nooon, ils ont osé le faire mourir ! » Ce qui le fit tout d'un coup se concentrer vers la télévision et plus sur ce qu'il pouvait encore te dire et que tu rêvais pourtant d'entendre de sa bouche.

Encore une soirée de planque. Ce n'était vraiment rien vraiment, seulement un jeune à surveiller pour des parents trop protecteurs et qui ont si peu confiance en leur enfant. En même temps, quand tu peux le voir en train d'acheter de la drogue devant le lycée, ça peut se comprendre. Sauf que ça faisait un bon moment qu'il ne se passait rien du tout. Il était entré en boîte avec de fasses cartes d'identités, histoire de s'éclater et de se bourrer la gueule comme les grands, et toi t'avait rien à faire. Alors tu enroules des mèches de tes cheveux autour de tes doigts, tu te fais des petites tresses que tu défaits deux secondes plus tard, tu fais de la batterie sur le volant avec deux stylos qui traînaient par là, tu finis même par te cogner légèrement la tête contre la vitre tellement tu t'ennuies. Les planques c'est cool, mais lorsqu'il ne se passe rien ... Bah non. Alors tu regardes les alentours, encore et encore. Tu vas pour détourner ton regard, mais tu te retiens à la dernière seconde, son visage te semblant familier. Tu le détailles, de la tête au torse, ne pouvait voir plus alors qu'il est assis dans sa voiture. Et là, son souvenir te frappe, des photos montrées par ton frère te reviennent en mémoire et tout devient claire. C'est lui. Le fameux Hayden. L'ancien petit-ami connard de ton frère. Certes, tu peux comprendre comment il a pu plaire à ton frère, il est plutôt mignon. Tu peux comprendre comment il a pu croire ses paroles d'amour éternelles, comment il a pu tomber amoureux de lui et le croire les yeux fermés. Tu peux cautionner cela. Mais pas qu'il soit ici, à Montréal. Sérieusement qu'est-ce qu'il foutait à Montréal !? C'était censé être votre nouveau départ, tous les deux, loin de votre ancienne vie. Loin de vos parents intolérants et de petits amis briseurs de coeurs. Montréal était supposé régler tous vos problèmes. Mais il était là. Et tu ne comprenais pas pourquoi. Vivait-il déjà ici avant que vous aviez décidés de déménager ? Ton frère avait-il décidé de cette ville en connaissance de cause, en sachant qu'il serait là, et dans l'espoir de pouvoir le revoir ? Non, ça c'était impossible, à part s'il était masochiste. Un sentiment d'énervement et de rage coulait dans tes veines, et une envie de meurtre te prit. Non, tu ne pourrais pas tuer réellement une personne, quoi qu'elle ait fait, mais bien l'amocher, pourquoi pas. On disait toujours que tu n'étais pas quelqu'un de violente et c'était vrai. Sauf lorsque l'on te prenait un peu trop pour une conne ou qu'on osait toucher ton frère. Et lui l'avait clairement brisé en mille morceau, il avait détruit les projets et les fondations qu'ils avaient commencés à empiler pour leur vie de couple, il avait tout gâché. Ruminant son cas dans ta tête, parlant entre tes dents énervée, sans vraiment savoir ce que tu disais, tu l'observais de la voiture où tu te trouvais. Tu regardais le moindre de ses faits et gestes, et d'un seul coup, son regard s'illumina et il se dépêcha d'attraper son appareil photo qu'il avait laissé sur le siège d'à côté. Tu te remets un peu droite, intéressée, et voilà que monsieur commençait à prendre des photos. Tiens, il était détective privé lui-aussi ? Tu le regardais manier son appareil photo, voyant clairement que cela n'était pas la première fois qu'il s'en servait, et ton regard dériva sur la silhouette qui se faisait prendre en photo. Une silhouette que tu ne connaissais que trop bien. C'était Timéo, qui se faisait espionner et visiblement sans qu'il le sache. Et c'était juste dégoutant. D'accord, tu faisais pareil : tu passais ton temps à espionner les gens, à violer leur vie privée et leur intimité, prenant en photo le moindre de leurs mouvements qui pourraient constituer une preuve de leur mauvaise fois et de leur tromperie. Sauf que toi, c'était ton métier, tu étais payée pour trouver des réponses aux questions et aux doutes que certains se posaient, tu ne faisais pas ça juste pour t'éclater à photographier des inconnus et avoir leur tête dans ton appareil. Alors que ce qu'il faisait lui, semblait exactement à ce que tu t'imaginais. Sans attendre quelque seconde de plus, tu te dépêches de sortir de ta voiture, prenant soin tout d'abord d'ôter ta perruque argentée qui te servait à te cacher aux yeux des autres, histoire que si jamais quelqu'un te voyait, qu'il ne te reconnaitrait pas. D'un pas déterminé et rapide, tes talons claquant sur le sol de la route, tu vas vite le voir, toquant à la fenêtre de sa voiture, prenant tout d'abord en photo sa plaque d'immatriculation. Hayden sursauta, entendant le bruit de tes doigts sur le verre, et se retourna vers toi. Il semblait plutôt rassuré, peut-être avait-il eu peur de se faire prendre la main dans le sac par un policier. Sauf qu'il n'avait pas de chance, tu pouvais être bien pire. Il baissa un peu sa fenêtre, pour qu'il puisse t'entendre et tu lui fais un grand sourire, qui sonnait faux. « Bonjour toi. Je crois qu'on n'a pas encore eu le plaisir de faire les présentations. Moi c'est Nelhà. » Il te regarde avec son air ahuri, non apparemment ton nom ne lui disait rien. « La petite soeur super protectrice de Timéo, tu remets ? » Oh oui, il remettait. Son visage blêmit, et il fallait avouer que tu étais assez fière de voir son visage changer en de l'appréhension et certainement un peu de peur. Timéo avait surement dû déjà lui parler de toi et de ta nature très protectrice envers lui. « Étonné hein ? Moi aussi j'aurai préféré qu'on ne se rencontre pas du tout. Parce que tu vois, je suis beaucoup moins gentille que Titi. Alors ok, tu l'espionnes nuit et jour, tu prends des centaines de photos de lui sur lesquels tu te branles une fois chez toi, mais t'as pas intérêt à t'approcher de lui où à lui faire savoir que t'es là ok ? » Ton regard est dur et ta mâchoire serrée. Il voit que tu ne rigoles pas. Tu le détestes. Bien sûr, il ne t'as rien fait personnellement, il ne te connaissait même pas. Mais rien que le fait qu'il ait abusé de l'amour de ton frère déclenchait en toi une violence insoupçonnée. Sûr, c'était toi qui avait payé la blondasse avec qui il avait trompé ton frère. Mais il n'était pas censé coucher avec elle ! Elle était là seulement pour le chauffer légèrement, le draguer quelque peu et il devait refuser, il n'avait qu'à refuser. Jamais tu n'aurais réellement cru qu'il coucherait avec elle, il était gay ! Tu voulais juste le tester un peu pour que tu aies confiance en lui, toi qui n'avais pas eu l'occasion de le rencontrer. Et comme un con il se fait avoir, il fait le truc qu'il ne fallait pas et Timéo les avait même surpris, le pauvre. Tu ne lui laisses même pas le temps de répondre que tu retournes vers ta voiture, faisant une note mentale de le pister très bientôt histoire de découvrir des choses sur lui qui l'inciterait à t'écouter et à ne pas s'approcher de ton frangin adoré.