❝ what goes around...come around. ❞

Il n'avait pas l'air bien méchant, il avait même un air assez mélancolique sur le visage. C'était sans doute un brave gars, loin d'être le voisin pervers que j'avais pu imaginer qui tentait sans se rendre compte ma fille de dix-huit ans. Il me proposa de boire un verre et j'acceptais avec plaisir. Un verre de vin était toujours le bienvenu après une journée assez fatigante. J'attendais paisiblement avant qu'il ne revienne et me tende un verre. « Merci. » Déclarais-je simplement avant de boire une gorgée. Dis donc, pour un jeune homme il savait le choisir son vin, c'était un excellent cru. Il remontait un peu plus dans mon estime. Pendant que je le dégustais il me déclara qu'il avait l'impression que je ne le portais pas dans son cœur. D'un côté, je ne le cachais pas dans la rue surtout quand ma fille était dans les parages je lui lançais de temps à autres un regard qui se voulait glacial pour qu'il comprenne que Kate n'était pas à sa disposition quand il le souhaiterait. Comment pouvais-je lui répondre ce que je ressentais réellement à son égard ? J'essayais de trouver les bons mots, j'étais quelqu'un de très poli, après tout mes parents m'avaient appris l'art d'être cordial même quand on n'appréciait pas une personne. « N'allons pas jusqu'à dire que je vous déteste, c'est juste que vous comprenez que je tiens à ma fille et que je me méfie de n'importe quel homme qui peut lui tourner autour bien que dans le cas présent, c'est plutôt elle qui vous tourne autour et vous m'en voyez navrer de ce comportement peu respectable. » Sous-entendu : je ne vous déteste pas mais vous serez priez de rester quand même loin de ma fille si vous ne voulez pas que je vous tue. Au moins c'était un garçon honnête et franc qui disait les choses qu'il pensait et il remontait vraiment dans mon estime. J'avais même un sourire aux lèvres en buvant une autre gorgée de ce bon vin. Cette estime était retombée d'un coup quand il m'avoua que Kate était passé ne serait-ce que deux minutes avant moi. Je ne l'avais pas croisé, elle serait passée à travers une haie pour ne pas me voir ? Après tout elle était prête à tout. Mon sourire convivial venait de s'éteindre d'un seul coup. Je le voyais qu'il se sentait d'un coup plus du tout à l'aise. « Vous remontiez dans mon estime, vous êtes tombé d'un coup au plus bas niveau voire pire qu'avant. » Fis-je doucement, quand on parlait doucement sans une once de colère c'était encore plus stressant. « Donnez-moi une seule raison pour ne pas que je vous colle mon poing à cet instant ? » J'arquais un sourcil, bizarrement j'appréhendais la raison de;la visite de Kaytlinn ici, surtout après les cours.

❝ what goes around...come around. ❞

Cela pouvait se lire facilement sur mon visage que j'appréciais pas spécialement mon voisin de quartier. Sans doute parce que j'avais surpris ma fille baver sur lui derrière un buisson pendant qu'il tondait sa pelouse et j'avais vu cela comme une tentation du monde adulte et donc l'arrêt définitif de l'âge enfantin de ma fille. J'étais très protecteur comme père, en fait je n'avais pas envie de voir ma fille au bras d'un homme pour l'instant, c'était comme si j'avais peur de la perdre définitivement, déjà que nos relations n'étaient pas au beau fixe. J'avais commencé à l'apprécier ce jeune homme quand il m'avoua que Kate était passée quelques minutes avant mon arrivée. J'étais en train de me demander si je n'allais pas enlever les buissons et y construire un mur en briques, au moins elle ne pourrait pas passer facilement dans le jardin du voisin à moins d'être une très bonne alpiniste. J'avais plissé les yeux, garder un sourire aux lèvres en lui demandant ce qui pouvait m'empêcher de lui mettre mon poing dans la figure en une fraction de seconde. S'il y avait une chose que je n'aimais pas c'était bien le mensonge et j'avais l'impression qu'il venait de me rouler dans la farine. J'attendais alors jusqu'à ce qu'il me dise son explication. Devais-je le croire ? Réfléchissons, Kaytlinn n'aimait pas ses études, elle ne voulait pas reprendre l'entreprise et voilà qu'il me disait qu'elle était venue par rapport à ses études car il recevait un écrivain bientôt dans son émission de radio. Quel amateur ! Il aurait mieux fait de bien se renseigner avant de tenter d'essayer de noyer le poisson dans l'eau avec une excuse aussi minable. Je m'approchais doucement de lui, posant mon verre sur un meuble qui était dans les parages. « Dites-moi... » Je m'arrêtais seulement à quelques centimètres de lui ce qui pouvait une ambiance assez pesante. « ...vous me prenez pour une buse non ? Parce que Kaytlinn n'a jamais été passionné par ses études et je ne pense pas qu'elle sortirait cette excuse même pour venir vous voir. Je la connais on a le même caractère. » Je le regardais droit dans les yeux, d'un regard fixe comme pour le déstabiliser. Pour le rendre encore mal à l'aise je pliais et dépliais sans cesse mes doigts. J'étais un manipulateur né, je savais parfaitement comment faire craquer les gens avec peu de gestes.

❝ what goes around...come around. ❞

Cherchait-il à faire le malin ? En tout cas une chose est sûre : je n'aimais pas la façon dont il me regardait et encore moins ce sourire sournois qu'il avait sur les lèvres. Il devenait arrogant et il se croyait être supérieur ? C'était que monsieur ne se prenait pas pour n'importe qui, on dirait même que cela le faisait rire de me faire tourner en bourrique. Jamais mais au grand jamais je ne laisserai ce petit merdeux avec ma fille unique. J'avais vraiment envie de le frapper avec une pelle et de l'enterrer au fond du jardin ni vu ni connu. Il me disait qu'il n'oserait jamais me prendre pour une buse avec son sale petit sourire d'arrogant. J'essayais de l'intimider mais il s'en moquait, il voulait vraiment que je le tue. Personne jamais personne ne me manquait de respect et ce n'était pas ce petit crétin en caleçon à bananes – qui sait – qui ferait la loi même s'il était chez lui, je l'avouais. Sans m'en rendre compte, où plutôt après quelques secondes, je l'avais empoigné par son tee-shirt, le seul type qui portait des tee-shirt à Montréal en pleine hiver. « Ecoute moi bien. » J'avais enlevé le vouvoiement d'un seul coup car il m'énervait et j'étais sur le point de le mettre contre un mur pour qu'il sente bien que je ne plaisantais pas. « Les petits imbéciles dans ton genre, je m'en moque d'habitude, mais là je trouve que tu vas trop loin à te moquer de ma petite personne... Tu crois que je ne vois pas claire dans ton jeu ? » Je l'avais empoigné peut-être un peu fort, je sentais ma main qui se crispait au fil des minutes mais c'était le cadet de mes soucis. Je le fixais, sourcils froncés, le regard sombre droit dans les yeux. Ma fille était la prunelle de mes yeux, et je ne voulais jamais, mais au grand jamais qu'elle fréquente ce genre d'homme qui croyait faire tout ce qu'il pouvait et qui n'avait aucun respect. « Kaytlinn ne sera jamais avec un homme comme toi, tu joues les timides devant elle mais je ressens bien le fait que tu la veuille, et crois-moi si ça devait arriver j'espère pour toi que tu n'as pas de pelle chez toi... » Je le relâchais au bout de plusieurs minutes en espérant qu'il comprenne que vraiment, je ne plaisantais pas.

❝ what goes around...come around. ❞

Il essayait de me déstabiliser, il essayait de faire que je craque pour que je commettes l'irréparable. J'avais le sang qui bouillait et une folle envie de lui mettre mon poing dans la figure mais j'essayais de garder à l'esprit qu'il ne fallait surtout pas succomber à la tentation car cela lui ferait trop plaisir. Après tout il était en train de me pousser à bout avec son sourire mesquin et le fait qu'il veuille absolument que je craque et je ne lui donnerai pas ce plaisir. Je ne craquerai pas, je me promettais de ne pas craquer pour ne pas tomber plus bas que lui. Je l'avais relâché bien que l'envie de lui en coller une me démangeait. « Ca te ferait trop plaisir. » Déclarais-je en m'éloignant légèrement de lui. Je ne pouvais pas le défigurer, mais d'un côté ce n'est pas l'envie qui était absente car s'il y avait bien un truc dont j'avais horreur c'était le fait de jouer la comédie. J'avais la nette impression qu'il jouerait avec le cœur de Kaytlinn et cette pensée me mettait hors de moi. La preuve était en train de se dérouler sur mes yeux, il reprit le rôle d'une personnage dramatique d'une pièce de théâtre qui avait perdu sa femme et qui se cachait derrière un masque de timidité pour ne pas montrer ses véritables attention. Un fin jeu de masque pour obnubilé la confiance de sa victime. A l'instant précis je me retrouvais dans la pièce d'Alfred de Musset : Lorenzaccio. J'adorais faire des références littéraires par rapport à une scène de la vie commune. Je le voyais son petit jeu, comme si on devait le prendre par la pitié, comme si on devait le croire et dire : oh mon pauvre petit chéri. Non, Kate ne serait pas celle qui tomberait dans ses bras, il faudrait me passer sur le corps. « Intéressant, je me sentais un peu idiot tout à l'heure, mais cet argument vous le sortez si facilement que je ne pense pas que votre peine soit la même qu'il y a sept ans. Je vous blesse peut-être ? C'est sans doute ma véritable attention, je vous trouve assez pitoyable de dire qu'à cause de votre défunte femme vous ne toucherez pas à Kate alors que je ne sais pas pourquoi, j'ai la nette impression que cela ne vous dérangera pas quand même pour la toucher. » J'étais revenu au vouvoiement sans m'en rendre compte, peut-être m'étais-je calmé. « Sur ce, je vais sans doute vous laissez. Votre vin était excellent en passant. » Je remis correctement mon manteau en m'approchant de la porte. Je m'arrêta un instant. « Ah j'ai oublié quelque chose. » Je m'approcha de lui avant de lui mettre mon poing en plein visage, plus précisément vers son nez. « Ne t'approche pas de ma fille, sinon la prochaine fois ce sera pire. » Je me retournais de nouveau pour aller vers la porte. « Bonne soirée. » Je sortais, sans même me retourner.