I went to the woods because I wished to live deliberately, (...) and not, when I came to die, discover that I had not lived.

Bowie David Dans le quartier, on pensait que les David étaient de sacrés illuminés pour avoir eu l'idée d'appeler leur fille Bowie. Non. Ils étaient de simples fans de David Bowie, de simples fans qui ont profité de leur fille pour rendre hommage à leur idole. Un bel hommage, quand on y pense. Les commères, affirment que c'est son nom qui a fait de Bowie la folle furieuse qu'elle est devenue. Même aujourd'hui qu'elle est partie, on continue à jaser sur le phénomène Bowie. Sur Bowie l'allumée, Bowie qui n'a jamais réussi à se garer devant chez ses parents sans emboutir le devant de la voiture, Bowie qui hurle pour parler aux gens, Bowie qui saute en l'air à chaque évènement de la vie, même celui qui implique le passage quotidien du facteur. Même ça.
Le prénom et le nom de Bowie inversés ça fait David Bowie. Et le fait est que même si elle s'était appelée Marie-Céline, Bowie, elle aurait été folle quand même.

Les gens ne s'intéressent pas à Bowie parce qu'elle leur fait peur et Bowie ne s'intéresse de toute façon pas aux gens parce qu'elle ne les comprend pas et qu'elle préfère la vie. La vie, et aussi le cinéma, la nature, la musique, la bouffe. Le film préféré de Bowie est, suivant son humeur, The Breakfast Club (quand elle est nostalgique), le Cercle des Poètes Disparus (tout le temps), le Seigneur des Anneaux (quand elle a besoin de canaliser son énergie pendant longtemps, elle les regarde tous à la suite) et tous les Batman réalisés par Christopher Nolan (les autres ne valent rien). La musique la passionne, elle siffle tout le temps la chanson qu'elle a dans la tête, elle a une voix étonnante, elle voudrait être chanteuse d'opéra. Elle aime se consacrer pleinement à son groupe ou à son artiste coup de coeur du moment. Depuis une semaine, c'est le groupe britannique Foals qui la fascine. Elle aurait aimé pouvoir inventer de la musique comme eux. Elle aime énormément David Bowie. Naturellement.

Foli(e)s, pêchés, passe-temps Il y en a eu, des théories, sur Bowie. Pour expliquer sa folie. Encore les commères du quartier qui se posaient des questions, que voulez-vous. On a bien pensé qu'elle prenait de la drogue. Ne le dites jamais à Bowie, elle en hurlerait de rage, et on n'a pas besoin qu'elle crie encore plus, la Bowie. Non. Bowie ne se drogue pas, tout comme elle ne boit pas. Jamais. Elle ne fume pas non plus. Elle est très chaste de ce côté-là. Elle n'y comprend rien. Elle a jamais essayé parce qu'elle ne comprend pas pourquoi elle devrait le faire, et elle n'arrive pas à saisir pourquoi les gens le font. Elle ne va pas aux fêtes que les « jeunes » organisent, ces mêmes fêtes qui finissent n'importe comment. Bowie, pendant son temps libre, qui est quand elle n'est pas à l'université, elle va courir dans les bois, chanter au parc ou tirer au pistolet.

Arnold Il disait qu'il s'appelait Arnold, mais si ça se trouve ce n'était même pas son vrai prénom. Ils avaient douze ans, puis treize, puis quatorze. Deux ans de correspondance. De correspondance dans tous les sens du termes –internet, sms, lettres. Bowie ne sait plus où elle l'a trouvé, mais qu'est-ce qu'elle en était fière, de cette rencontre. Si tout le monde n'avait pas été sur son dos, à la prévenir des méfaits des rencontres pareilles, de ce qui peut arriver, pour sur qu'elle lui aurait donné un point de rencontre, à son Arnold, pour qu'ils se retrouvent et se parlent, en vrai. Ils ne se sont jamais appelés, pas une fois. Il lui a souhaité bon anniversaire le premier, avant tous les autres, le jour de ses quatorze ans. Et puis il a disparu de sa vie, dans laquelle il n'avait jamais été présent que virtuellement. Laissant une Bowie profondément surprise.

George George ne s'appelle pas George mais c'est comme ça que Bowie l'appelle dans sa tête parce qu'elle ne lui connait pas de nom et qu'il en faut bien un pour quand elle pense à lui (ce qui arrive beaucoup). Bowie voit George partout, tous les jours. Elle le croise, elle passe à côté de lui, elle va acheter le journal en même temps que lui. Elle fait toujours beaucoup de bruit quand il est dans les parages, encore plus de bruit qu'à la normale, elle ne peut pas s'en empêcher. C'est plus facile que de devoir faire deux pas et aller lui parler. Le comble, c'est qu'il ne semble jamais la remarquer, pas une fois il n'a tourné la tête vers elle. Alors elle continue. Elle ne l'avouerait même pas, qu'elle est complètement dingue de Goerge. Elle ne se l'avouerait même pas.